7 décembre 2022

La révision du droit des successions - Ce qu’il faut retenir

Qui va hériter de la maison familiale ? Quelle part vous reviendra ?
Le droit des successions change au 1er janvier 2023.
Maître Erismann
, avocat spécialiste de cette question répond de manière détaillée dans l’article ci-dessous.




La révision du droit des successions : ce qu’il faut retenir

Après plus de 100 ans, le droit suisse des successions va finalement connaître une révision de fond qui entrera en vigueur au 1erjanvier 2023. Compte tenu des changements sociétaux au sein de la famille (concubinage, famille recomposée, mariage pour tous, ultra-mobilité des individus), il devenait crucial de moderniser le cadre législatif afin de permettre aux testatrices et testateurs de disposer d’une certaine souplesse dans l’organisation de leur planification successorale.

Ainsi, le 17 juin 2010, le conseil aux Etats Felix Gutzwiller a déposé une motion chargeant le Conseil fédéral de « revoir et d’assouplir le droit des successions, notamment les dispositions sur la réserve, afin qu’il réponde aux exigences actuelles ».

On dénote trois grandes modifications susceptibles d’affecter tout testament déjà rédigé ou en cours d’élaboration.



1. Réduction des réserves

En préambule, il sied de rappeler que la réserve est la part dont le/la défunt(e) ne peut pas disposer librement et qui représente une fraction de la part légale que la loi attribue à un(e) héritier/héritière. A contrario, la quotité disponible est la part dont le/la testateur/testatrice peut librement disposer en faveur de personnes physiques ou morales (par ex. une fondation à but non lucratif).

A partir du 1er janvier 2023, la part réservataire des descendants va être réduite, alors que celle des parents est tout simplement supprimée. La réserve du/de la conjoint(e) ne change pas. Le tableau ci-dessous résume la situation :




2. Augmentation de la quotité disponible en cas d’usufruit en faveur du/de la conjoint(e)

Dès le 1er janvier 2023, il sera également possible d’attribuer au/à la conjoint(e) survivant(e) se trouvant en concours avec des descendants communs l’usufruit de la moitié (½) de la masse successorale et la pleine propriété de la quotité disponible (½). A l’heure actuelle, le/la conjoint(e) ne pouvait recevoir qu’un quart (¼) de la succession en pleine propriété.


3. Perte de la réserve du/de la conjoint(e) en cas de dépôt d’une demande de divorce

Dès le dépôt d’une procédure de divorce (et non plus au moment de l’entrée en force du jugement de divorce), le/la conjoint(e) perdra sa réserve, mais demeurera un(e) héritier/héritière légal(e). Autrement dit, cela signifie qu’en l’absence de testament le/la conjoint(e) survivant(e) bénéficiera de sa part légale en cas de décès avant l’entrée en force du jugement. Dès lors, il est judicieux que les conjoints en cours de procédure de divorce fassent preuve de réactivité en établissant dès aujourd’hui un testament excluant leur conjoint sans attendre le prononcé du jugement de divorce. Ainsi, ils pourront bénéficier dans le cadre de leur planification successorale de la suppression de la part réservataire revenant à leur futur(e) ex-conjoint(e).

Afin d’illustrer les effets pratiques de ces changements législatifs, le tableau ci-dessous permet de visualiser les différents scénarios envisageables pour un(e) testateur/testatrice en fonction de la configuration de son environnement familial :




Conclusions

Au vu de ce qui précède, il est recommandé de revoir avec son conseiller juridique les testaments et pactes successoraux déjà établis compte tenu de l’entrée en vigueur de ces nouvelles dispositions légales. Cela est d’autant plus important pour les testaments existants incluant des formulations alambiquées et peu claires, en particulier lorsque le/la testateur/testatrice a réduit des héritiers légaux à leurs parts réservataires. En outre, ce travail de revue des dispositions testamentaires existantes permettra aux testateurs/testatrices de bénéficier d’une plus grande liberté dans la répartition de leur patrimoine à leur décès. Finalement, pour celles et ceux qui n’ont pas encore réfléchi au partage de leur succession, ce changement législatif se révèle être une bonne opportunité pour commencer sérieusement à s’en préoccuper. En effet, une première discussion en toute transparence avec son gestionnaire de fortune et/ou son avocat peut permettre d’éviter des futurs litiges successoraux entre héritiers.


Auteur : Erik Erismann, avocat
Texte mis à disposition de Keywe SA

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